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Comprendre la QPC : quand la valeur locative passe devant le Conseil Constitutionnel

02/06/2025
Avis d'expert
Charges fiscales et sociales

Une première historique pour la valeur locative

Récemment, le Conseil d’État a été saisi d’une question prioritaire de constitutionnalité portant sur le mode de calcul de la valeur locative des biens immobiliers, une première en la matière. Cette question prioritaire de constitutionnalité permet ainsi d’examiner, à la demande d’un justiciable, si les règles fiscales en vigueur respectent les droits et libertés garantis par la Constitution.

C’est donc l’occasion idéale pour mieux comprendre ce qu’est une question prioritaire de constitutionnalité ou « QPC » !

Qu’est-ce qu’une QPC ?

La Question Prioritaire de Constitutionnalité (QPC) est un mécanisme juridique entré en vigueur  en 2010. Elle permet à toute personne impliquée dans une procédure judiciaire de contester la conformité d’une loi déjà en vigueur dans l’ordre juridique français à la Constitution.

Pourquoi « prioritaire » ?

Le terme « prioritaire » signifie que la question de constitutionnalité doit être examinée avant toute autre dans le cadre de la procédure judiciaire en cours. Cela reflète l’importance accordée au respect des droits fondamentaux garantis par la Constitution. En effet, tant que le Conseil constitutionnel n’a pas tranché, le traitement du dossier principal est suspendu. Cette suspension permet d’éviter qu’une loi potentiellement en tout ou partie inconstitutionnelle ne soit appliquée au détriment d’une des parties.

Qui peut la soulever ?

Avant qu’une affaire ne soit jugée, les parties à un procès – qu’il soit civil, administratif ou pénal – peuvent poser une Question Prioritaire de Constitutionnalité. Cela concerne aussi bien le demandeur et le défendeur dans les litiges civils ou administratifs, que le mis en cause, la partie civile ou le ministère public dans les affaires pénales.

La QPC peut être soulevée à tout stade de la procédure, que ce soit lors du premier procès ou à l’occasion d’un recours, comme un appel, un pourvoi en cassation ou un recours devant le Conseil d’État. Toutefois, en matière pénale, lorsqu’il s’agit d’une affaire criminelle, la QPC ne peut être posée que devant le juge d’instruction et non devant la cour d’assises.

La QPC doit impérativement être formulée par écrit, accompagnée d’une justification précisant en quoi la disposition législative contestée porterait atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution. Cet écrit doit être distinct des autres conclusions adressées à la juridiction. Enfin, dans les cas où la représentation par avocat est obligatoire, c’est à ce dernier que revient la charge de présenter la QPC devant le tribunal ou la cour compétente.

Quelles lois sont concernées ?

La QPC ne peut porter que sur tout ou partie d’une disposition législative en vigueur qui n’a pas d’ores et déjà été déclarée conforme à la Constitution par le Conseil Constitutionnel (sauf changement de circonstances), qui s’applique au litige en cours, et qui présente un caractère sérieux ou nouveau quant à sa conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution (égalité, liberté, droit de propriété, etc.).

Quelle est la procédure ?

  1. Premier examen par les juges du fond : le justiciable (ou son avocat quand la représentation par avocat est obligatoire) soulève la QPC pendant la procédure au fond en cours. Les juges du fond vérifient immédiatement si la question est recevable compte tenu des conditions susmentionnées et, si les conditions de la QPC sont réunies, la transmet à la juridiction suprême compétente (Conseil d’État ou Cour de cassation selon la nature du litige). Nonobstant ce qui précède, une QPC peut être soulevée directement devant la juridiction suprême (Cour de cassation ou Conseil d’Etat). Dans ce cas, ce premier examen doit être réalisé par la juridiction suprême dans un délai de trois mois. Si la QPC est jugée irrecevable par les juges du fond ou la juridiction suprême selon le cas, celle-ci ne sera pas transmise et la procédure reprendra son cours.
  2. Le filtrage : la juridiction suprême examine à son tour la recevabilité de la QPC conformément aux conditions susmentionnées. Si elle l’estime recevable, elle la renvoie au Conseil constitutionnel. Dans le cas où la QPC aurait été soulevée directement devant la juridiction suprême et que cette dernière la jugée recevable, elle la transmet directement au Conseil Constitutionnel.
  3. Le contrôle de constitutionnalité : le Conseil Constitutionnel examine la QPC, et rend sa décision, publiquement, dans un délai de trois mois, après un débat contradictoire.
Quelles conséquences pour la loi ?
  • Si la loi est jugée conforme, la procédure reprend son cours ;
  • Si elle est jugée inconstitutionnelle, elle est abrogée, en tout ou partie, immédiatement ou à une date fixée par le Conseil Constitutionnel, et ses effets passés ou futurs peuvent être modulés pour éviter des bouleversements juridiques. La procédure reprend son cours mais la loi concernée ne peut plus être appliquée.

Pourquoi la QPC est-elle si importante ?

Un accès élargi à la justice constitutionnelle

Avant 2010, seules certaines autorités pouvaient saisir le Conseil constitutionnel, et uniquement avant la promulgation d’une loi.

Quelques chiffres clés

Depuis l’entrée en vigueur de la procédure en mars 2010 jusqu’au 31 juillet 2023, le Conseil constitutionnel a rendu 936 décisions concernant 1 058 QPC. Chaque année, il examine en moyenne 70 décisions, correspondant à environ 80 questions distinctes.

Parmi ces décisions :

  • Environ 65 % ont confirmé la constitutionnalité de la disposition législative contestée ;
  • Environ 35 % ont conduit à une déclaration d’inconstitutionnalité totale ou partielle, avec abrogation de tout ou partie de la loi concernée.

Conséquences 

La QPC portant sur la valeur locative a été transmise au Conseil constitutionnel, ce qui signifie qu’elle a été jugée recevable et suffisamment sérieuse pour mériter un examen approfondi. Si, à l’issue de cet examen, le Conseil constitutionnel conclut que les dispositions contestées sont conformes à la Constitution, alors les règles actuelles resteront pleinement applicables. L’administration fiscale et les juridictions devront continuer de s’y référer, et cela renforcera la légitimité du dispositif existant.

En revanche, si la QPC est retenue et que le Conseil constitutionnel juge la disposition inconstitutionnelle, la disposition législative concernée sera en tout ou partie abrogée. Cela pourrait entraîner l’inapplicabilité de certains critères de calcul de la valeur locative, avec un impact sur les bases d’imposition de nombreux contribuables. Les répercussions ne se limiteraient pas à la seule valeur locative : des impôts qui en dérivent directement, comme la cotisation foncière des entreprises (CFE), pourraient également être affectés. Il serait alors nécessaire que le législateur intervienne pour combler le vide juridique, soit en modifiant la loi, soit en réformant plus largement le système de détermination des valeurs locatives et les impositions qui en découlent.

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Sources :

  1. CONSEIL CONSTITUTIONEL – La QPC en questions. Disponible sur https://qpc360.conseil-constitutionnel.fr/qpc-questions.
  2. SERVICE-PUBLIC.FR – Qu’est-ce qu’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) ? Disponible sur https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/F21088

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